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    #MeToo à Paris : ces femmes nous disent pourquoi elles se mobilisent contre les violences sexuelles

    Un rassemblement citoyen était organisé dimanche à Paris pour poursuivre «dans la vraie vie» la mobilisation née sur les réseaux sociaux après l'affaire Weinstein.

    Dans toute la France, plusieurs centaines de personnes sont descendues dans la rue dimanche 29 octobre pour dénoncer toutes les formes de violences sexuelles. Ces rassemblements ont été organisés après les milliers de témoignages partagés sur les réseaux sociaux, via les hashtags #metoo et #balancetonporc apparus après les révélations de l'affaire Weinstein. Sur Facebook, le rassemblement de Paris, organisé par la journaliste indépendante Carol Galand, affichait plus de 2000 participants et 9000 personnes se sont dites «intéressées». Place de la République, la pluie en a sans doute freiné plus d'un, mais des centaines de personnes sont tout de même venues avec ou sans pancartes, pour participer à cette mobilisation parisienne. Onze femmes racontent à BuzzFeed News pourquoi elles sont venues :

    Thaïs, 26 ans, en recherche d'emploi

    «Je suis là aujourd'hui pour protester face aux violences faites aux femmes. Comme beaucoup, j'ai témoigné sur internet, sans entrer dans les détails. Mes amis m'ont soutenue, et le fait de mettre un statut sur Facebook pour raconter mon histoire a permis à mes copines de le faire à leur tour. J'espère que le rassemblement d'aujourd'hui trouvera une résonance politique. Car on voit beaucoup de politiques qui disent qu'il faut libérer la parole des femmes, mais aujourd'hui c'est un véritable parcours du combattant auquel sont confrontées les femmes qui veulent témoigner. Notamment, quand elles veulent porter plainte. Il faut que la classe politique se rende compte que les structures ne sont pas toujours bien adaptées pour les femmes. Qu'elles doivent effectuer un parcours du combattant pour se faire entendre, que la police ne les accueille pas toujours bien ou que les procédures sont longues.»

    Zohra, 57 ans, éducatrice

    «Je suis venue, car j'ai moi-même été victime de violences de la part d'hommes. Je n'ai certes pas partagé mon histoire sur les réseaux sociaux, mais si je suis à Paris ce dimanche, c'est pour donner aux femmes la force de parler. J'ai fait les manifestations en 1976, j'ai fait toutes les manifs, j'ai beaucoup milité contre toutes les formes de discriminations, et quand Mitterrand est arrivé au pouvoir, tout s'est calmé. Aujourd'hui, il faut se remobiliser car j'ai l'impression qu'on est retourné très en arrière, et notamment sur les droits des femmes. Il faut que les femmes soient de plus en plus solidaires, de plus en plus fortes. Elles doivent reprendre confiance en elles et être solidaires.»

    Ghislaine, 74 ans, professeure à la retraite

    «J'habite à Montréal, mais je suis à Paris depuis 5 semaines. Je suis présente par solidarité, car si je n'ai jamais été une victime de violences sexuelles, je connais quelqu'un de mon entourage qui l'a été. Et aujourd'hui, les choses sont en train de changer. Je me réjouis que de nombreuses femmes prennent la parole. Regardez au Québec. J'ai lu et entendu des témoignages, là-bas aussi, il se passe quelque chose d'important. J'ai le sentiment qu'aujourd'hui, les femmes sont de plus en plus prises au sérieux grâce aux témoignages des femmes célèbres qui ont pris publiquement la parole.»

    Somalia, 27 ans, travaille dans une association

    «Je suis là, car je voulais voir les gens en vrai, je voulais voir de mes propres yeux tout ce qui a été évoqué sur les réseaux sociaux et surtout en parler. J'ai l'impression que la parole s'est beaucoup libérée, l'impression que les femmes sont davantage rassurées et confortées dans le fait que ce qu'elles ont vécu n'est pas unique. Je suis sûre qu'il y a deux ans, ce rassemblement n'aurait pas marché. C'est extraordinaire de voir que ce hashtag qui a crée un buzz à partir de témoignages "intimes" a pu marcher.»

    Laetitia, 47 ans, travaille dans le social

    «Je suis ici car j'en ai plus que ras-le-bol. En quinze jours, je suis passée à un tel stade d'écœurement que j'ai honte d'être hétéro, tant le silence des hommes autour de moi a été assourdissant. À titre personnel, je n'ai pas encore témoigné et je ne sais pas si je vais le faire sur les réseaux sociaux. Mais aujourd'hui je suis présente sur la place de la République pour dire "j'ai été violée". Je connais le poids du musellement. C'est très rare que des femmes s'expriment, et là il y a une perche à saisir. Mais il ne faut pas oublier qu'il reste encore un silence assourdissant. Car oui, grâce à l'affaire Weinstein il y a eu des femmes qui ont parlé sur les réseaux sociaux, mais ça va finir par s'éteindre si on ne fait rien.»


    Sophie, 29 ans, travaille pour une association

    «Je suis présente ce dimanche pour faire en sorte que les droits des femmes puissent progresser. Je travaille dans le milieu associatif et je viens en tant que militante pour soutenir cette action. Moi, je n'ai pas témoigné, mais je soutiens l'initiative derrière la hashtag #metoo. Il montre bien que ça libère la parole des femmes, mais ça montre surtout que les violences sexuelles peuvent toucher tout le monde. J'espère vraiment que des choses concrètes vont ressortir de ce rassemblement, que les droits des femmes vont enfin être appliqués. Je déplore néanmoins que Marlène Schiappa ne soit pas là.»

    Brooke, 25 ans, professeure d'anglais

    «Je suis professeure d'anglais à Paris, mais je suis originaire du Texas, aux États-Unis. Et je suis présente aujourd'hui avec mon panneau parce que les hommes et les femmes ne sont toujours pas égaux. J'ai témoigné via ce hashtag sur les réseaux sociaux en anglais, sans nommer mon agresseur. J'avais peur des réactions, mais les réponses ont été positives.»

    Agathe, 27 ans, juriste

    «J'ai été agressée sexuellement un dimanche matin dans le RER, un homme s'est branlé devant moi. C'est allé très vite, l'amie qui m'accompagnait ne l'a pas vu. J'ai voulu aller porter plainte, mais on m'a expliqué qu'il y avait 5h d'attente. Et puis, quand j'ai parlé à un policier, celui-ci m'a fait comprendre que comme ce n'était pas un viol, c'était moins grave. J'ai témoigné sur Facebook pour montrer à mes amis que ce genre de choses m'est arrivé, et en voyant mon message mes copines ont témoigné à leur tour. Et je suis présente avec elles aujourd'hui pour montrer qu'on est nombreuses à avoir vécu ça. Tout le monde a une histoire un peu sordide.»

    Olivia, 22 ans, étudiante

    «Je suis venue aujourd'hui car j'ai subi des harcèlements dès mes 14 ans, comme
    beaucoup de femmes. Et j'ai fait l'erreur de banaliser ça. J'ai témoigné sur les réseaux, et d'autres de mon entourage l'ont fait aussi. Voir, lire et entendre tout ce qui est sorti dernièrement m'a fait réaliser que ce que j'ai vécu n'est pas normal. Tout ce mouvement m'a donné envie de montrer que les femmes qui prennent la parole, c'est un progrès. Pour moi, l'urgent c'est l'éducation. Il faut en parler autour de nous aux garçons et aux filles.»

    Emma, 16 ans, lycéenne

    «J'ai commencé à tout juste parler de ce qui m'est arrivé avant que le phénomène ne prenne de l'ampleur sur internet. J'ai subi un viol et j'ai eu l'impression de ne pas avoir été entendue. Je suis actuellement en procédure judiciaire, mon viol a été déclassé en délit alors que c'est un crime. Le hashtag m'a réconfortée, car je me sentais encore coupable avant. Mais de voir que d'autres femmes ont connu la même chose, ça m'a fait du bien.»

    Mikhaela, 21 ans, baby-sitter

    «Je me suis rendue compte il y a un moment que, parmi mes amies, il y en a beaucoup qui, comme moi, ont été violées. Plusieurs d'entre elles sont venues me voir. Mais avec le hashtag #metoo, je me rends compte que ces agressions sexuelles sont beaucoup plus répandues qu'on ne le croit. C'est bien de voir que, contrairement à ce que je pensais, ce n'est pas si horrible que ça d'en parler. Je n'ai pas témoigné sur internet, car mes parents ne savent pas ce qui m'est arrivé. Mais j'ai vu la puissance de cette libération de la parole en écrivant ma pancarte, j'avais les mains qui tremblaient. Et quand j'ai vu que ce rassemblement était organisé, je ne voulais pas que ça se passe sans moi.»